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Vera Clouzot - Interviews - Presto! - 1996

Leur premier album éponyme est d'une beauté et d'une justesse étonnantes. On y retrouve ces morceaux d'une touchante mélancolie que le groupe a pu produire sur scène lors des nombreux concerts qui ont précédé la sortie de l'album en juin. De Betty, magnifique prologue de l'album, à l'émouvant For Ann, les Vera Clouzot vous entraînent dans les méandres de leurs angoisses existentielles sans jamais vous plonger dans l'ennui. Ils ont su, de plus, intégrer judicieusement au tandem guitares-violoncelle qui fut longtemps l'apanage du groupe, d'autres instruments qui donnent aux chansons un relief hors du commun : percussions sur The Singer's Voice Lingers On, Are You The Closest Thing To Oblivion, ou encore le fantastique Same As Yesterday, trompette et contrebasse sur l'instrumental Red Angels, violon, flûte et dulcimer. Avec ce chef d'oeuvre, les Vera Clouzot viennent d'entrer dans la cour des grands.


L'année dernière vous avez eu quelques contacts avec des maisons de disques, notamment Rosebub, et aujourd'hui nous vous retrouvons avec un album autoproduit. Que s'est-il passé entre deux ?
On a été naïfs... On s'est rendu compte qu'il était illusoire pour un groupe comme nous complètement inconnu et avec des chansons en anglais de se faire signer directement par un label, aussi indépendant soit-il. On a constaté que les maisons de disques ne peuvent pas se permettre de prendre trop de risques, vu leurs impératifs commerciaux et l'absence de marché pour eux en France. On a donc dû se débrouiller seuls, surtout si on voulait garder toute notre liberté au niveau compos et enregistrement. On a opté pour l'autoproduction d'un album qu'on a pu financer en partie par le lancement d'une souscription qui a assez bien marché. Mais c'était quand même un gros risque et on est encore en train de rembourser l'album.

Comment le travail en studio s'est-il passé ?
On a travaillé au Studio Ka avec Patrick Kubiak, qui avait déjà enregistré notre deuxième démo. Cette fois-ci on a passé vingt-cinq jours en studio, de janvier à mai. Le boulot avec Patrice s'est bien passé : c'est quelqu'un qui a une très bonne oreille, qui est ouvert musicalement, et surtout c'est un très bon ingénieur du son qui a réussi à nous laisser une totale liberté sans pour autant rester neutre. Il s'est impliqué comme nous dans l'enregistrement y compris finanacièrement et la réalisation de l'album lui doit beaucoup de bout en bout.

Sur le plan personnel, comment vivez-vous la sortie de l'album ?
C'est l'aboutissement de plusieurs mois de travail. C'était pour nous trois un but depuis longtemps donc c'est une satisfaction d'avoir fait un album, c'est un pas plus loin qu'une démo : on aura sans doute la possibilité de toucher d'autres personnes plus largement peut-être et on a encore envie de progresser, de voir où ça peut nous mener musicalement. Enfin pour l'instant, on est tournés vers les concerts à venir, on est curieux de voir dans quelle mesure le studio nous aura aidé pour la scène.

Sur la plan musical, le résultat est-il celui que vous espériez ?
On voulait avant tout comprendre vraiment comment marchait un studio, ce que ça pouvait nous apporter par rapport aux morceaux tels qu'on les jouait à trois en répète. Globalement, on est plutôt contents du résultat, il y a des choses qui nous semblent réussies, même si parfois on est un peu déçu en réécoutant l'album, certains trucs auraient pû être mieux faits, différemment. Mais bon, on ne prétend absolument pas à la perfection, on sait bien qu'un disque c'est juste la photo d'un groupe à un moment donné et on n'a évidemment pas assez de recul pour pouvoir la juger. Ca représente beaucoup de boulot, on a passé beaucoup de temps dessus, mais en fait, maintrenant on réécoute assez peu cet album.

Toujours sur le plan musical, que vous a apporté le travail en studio ?
C'est une nouvelle manière d'écouter la musique et pas seulement la nôtre. C'est la première fois qu'on s'est penchés sur le travail de production sur les arrangements. On a dû retravailler chaque morceau en essayant de ne pas tomber pour autant dans la surproduction. Mais la production est importante car elle permet à chacun de mettre plus d'idées dans un morceau, de le traiter comme une entité propre. On peut faire sonner un groupe de façons complètement opposées selon le travail en studio, il s'agissait donc pour nous de rédéfinir notre son. Pour ça on voulait quand même, malgré tous les apports de production, garder des morceaux dépouillés, fidèle à ce qu'on fait, juste en jouant à trois.

Vous avez fait appel à de nombreux collaborateurs sur l'album. Pouvez-vous nous en dire quelque smots ? Avez-vous l'intention dans un un proche avenir d'agrandir le groupe ?
On voulait jouer avec des musiciens qu'on appréciait, qu'ils viennent du classique ou du jazz, en pensant que leurs sensibilités musicales ne pourraient que nourrir la nôtre, lui donner d'autres teintes. L'album aurait sonné très différemment sans eux, même si, parmi ces musiciens qui nous intéressaient, certains nous semblaient dans l'esprit, très proches de nous. Enfin, Vera Clouzot reste un trio, avec des musiciens invités en studio, ou en concert, comme Peter Orins (batteur, percussionniste) qui a déjà fait quelques concerts avec nous, qui a enregistré pour l'album et qui sera présent, avec d'autres, pour une soirée spéciale aux Arcades, à la rentrée.

Comment cela se passe-t-il pour la distribution ?
On avait déjà eu deux titres sur une compilation nationale Les Belles Promesses, sortie sur le label XIII Bis, label de Johan Asherton, Planète Zen, Tango... Cette compile a été assez bien reçue et on a trouvé des oreilles chez XIII Bis pour faire distribuer notre disque par WMD. Il sera donc dans les bacs pour la rentrée.

Caroline Scrive

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