Vera Clouzot - Reviews "Vera Clouzot" - La Voix du Nord - 1996

Quand la guitare se met à donner de la voix, que toutes les cordes font vibrer une harmonie pleine et puissante, l'auditeur du groupe Vera Clouzot s'interroge. Mais bon sang, qu'est-ce qui leur arrive tout d'un coup ? Jusqu'alors, il s'était laissé bercer par leur style dépouillé, presque minimaliste et en tout cas économe. La formule choisie par le trio, guitares électriques ou électro-acoustiques plus violoncelle, incite a priori à la quiétude.
Les trois musiciens lillois tranquilles se sont en tout cas inventé une esthétique discrète qui les fait aller à l'essentiel : une musique fragile, des mélodies sans fard et des textes chaleureux. On ne croule pas sous les débordemements techniques qui nous encombrent trop souvent les oreilles, on n'est pas envahi par une débauche de notes qui cache généralement les incertitudes du musicien.
Parfois, rarement, l'équilibre harmonique semble se prendre les pieds dans le tapis et glisse vers une légère dissonance. C'est peut-être la seule fantaisie que se permet Vera Clouzot dont les chansons sont construites au millimètre, sans complexité et avec un minimum d'effets spéciaux, loin de toute étiquette.
On pense parfois à d'autres qui ont ouvert le chemin et ont sans doute inspiré Vera Clouzot. La voix de Pierre Laplace (accessoirement prof d'anglais, ça aide) rappelle celle de Lloyd Cole et plus généralement le style des beaux ténébreux californiens. Leonard Cohen, pourquoi pas ? Elle soupire, souffle les mots avec une belle diction grave, une profondeur dramatique. On pense aussi (mais il faut avoir une bonne mémoire) aux premiers enregistrements d'un certain Marc Bolan, quand Tyrannosaurus Rex n'était pas encore T-Rex et que l'acoustique dominait certains petits chefs-d'oeuvre d'invention.
Vera Clouzot, c'est finalement l'addition de trois simplicités. Une complémentarité dans le dépouillement. Le résultat nous donne une harmonie délicate et raffinée qui pour ne pas être des plus riches n'en est pas moins pour autant pauvre. Et de loin.

C. Brackers d'Hugo

back