Vera Clouzot - Interviews -
Nouvelle Vague - 1997
Vous avez joué en première partie de Jeff Buckley. Vous sentez vous proche de son univers musical ? Quelle a été votre réaction à l'annonce de sa disparition ?Pierre : Jeff Buckley était un musicien très doué. Avec son groupe, il atteignait sur scène une intensité, une ferveur, un don de soi remarquables. Sur le plan discographique, le meilleur restait sans doute à venir. Jeff Buckley avait assez de talent et d'intégrité artistique pour créer une oeuvre musicale originale, exigeante, en brassant les genres, en essayant des choses, en explorant - un peu à la manière de son père, Tim Buckley. Inutile de dire que la disparition d'un type si doué et si attachant nous attriste profondément.
Votre musique est très anglo-saxonne, y a t-il tout de même des groupes ou chanteurs français dont vous appréciez le travail ?Il n'y en a pas des tonnes. On aime certains trucs de Noir Désir, Dominique A ou Têtes Raides. C'est vrai que ces dernières années on a plutôt craqué pour des artistes américains : Mark Eitzel, Smog, Red House Painters...
Patrice Kubiak semble être plus qu'un simple ingénieur du son pour vous...Oui, le travail avac Patrice a été une vraie collaboration artistique. Humainement et musicalement, ça a bien marché. Nous allons d'ailleurs très prochainement retourner en studio avec lui pour enregistrer uen reprise d'Antonio Carlos Jobim, Desafinado. Ce morceau figurera sur un hommage à Jobim qui sortira à l'automne prochain sur le label XIII Bis.
Avez-vous le sentiment d'appartenir à un groupe qui progresse ?Pour ce qui est du travail en studio, seul l'avenir le dira. Nous espérons être capables de mieux faire sonner le chant et les instruments, d'approcher une sorte de son idéal que nous avons en tête - quelque chose de chaleureux, d'organique, de vivant. Nous détestons le son brillant, clinquant et fade - à notre sens - de la plupart des productions actuelles. Il y a un domaine où nous avons l'impression d'avoir progressé, c'est celui des concerts. Nous sommes arrivés à une plus grande cohésion, un meilleur son de groupe, alors qu'à nos débuts nous avions tendance à être un peu crispés et timorés, musicalement, sur scène.
En concert, vous semblez aimer improviser ?On trouve qu'il n'y a rien de plus barbant que les musiciens qui se contentent de reproduire leur disque note pour note sur scène. Nous avons complètement repensé les morceaux du disque pour la scène, en rajoutant des thèmes, en changeant les arrangements, et en laissant pour quelques morceaux une certaine place à l'improvisation. Un concert, ce n'est pas comme aller pointer à l'usine, ça doit être différent à chaque fois, sinon à quoi bon ? C'est un des points sur lesquels on se sentait proche de Jeff Buckley.
On trouve des thèmes récurrents dans les textes tels que les fantômes ou la mémoire. La mélancolie est elle un moteur pour l'écriture ?Pour écrire, j'ai besoin d'un certain recul. Lorsque j'écris ce que je ressens sur l'instant, ça donne rien de bon. C'est pour ça que mes textes sont tournés vers le passé et qu'on y trouve des souvenirs, parfois assez sombres, et des fantômes - des gens qui ont disparu de ma vie. J'essaye pour autant de ne pas tomber dans une nostalgie un peu facile. Ce sont des sentiments très variés et diffus qui me poussent à écrire, pas seulement la mélancolie.
Grégoire Menhir
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